Mag N°311 juillet 2015


Carlos Camino, le meilleur ambassadeur du Pérou à Lyon, restaurant le Miraflores

Carlos Camino est le brillant représentant lyonnais d'une gastronomie péruvienne, aujourd'hui mondialement reconnue. Après un parcours dans les meilleurs restaurants étoilés puis son installation au Miraflores, le chef a été récompensé par le Trophée Espoir du Gault et Millau. L'homme aime surprendre, déstabiliser mais surtout régaler, avec une cuisine pleine de découvertes et pourtant authentique. Le chef nous parle de lui mais aussi du Pérou et de l'incroyable richesse de ses produits. Une interview à ne pas manquer !


C'est dans le cadre élégant et chaleureux du Miraflores que le chef Carlos Camino nous reçoit. Son travail, c'est à son pays qu'il le dédie. Le Miraflores est une vitrine sur le Pérou. Une fois la porte franchie, il vous faudra oublier vos habitudes, ouvrir grand vos yeux et vos papilles. Un établissement comme celui-ci, il n'en existe pas deux à Lyon et Carlos Camino le sait. L'identité c'est sa force, ici vous découvrirez des saveurs inconnues, des produits venus de loin, très loin et que l'on ne trouve pas ailleurs.
Mais attention, au Miraflores pas de folklore. Carlos Camino c'est avant tout une technique implacable mue par le sentiment. Ses produits sont des pierres précieuses qu'il façonne avec délicatesse. Son parcours chez les plus grands, il ne veut pas en parler, la cuisine qu'il propose aujourd'hui c'est la sienne : un livre ouvert sur son histoire.







Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J’ai commencé à cuisiner avec ma mère dès mon plus jeune âge .
Ensuite j’ai fait mes études à l’école hôtelière de Lima. De 18 à 23 ans je suis resté au Pérou et ai travaillé dans des restaurants traditionnels.
Puis j’ai eu envie de faire autre chose, de découvrir une nouvelle langue. Je me suis donc rendu en France. Pendant 10 ans j’ai travaillé un peu partout, frappant aux portes des bouchons comme des restaurants étoilés. En 2009, j’ai obtenu mon BTS hôtelier français et enfin en 2013, j’ai ouvert le restaurant : Le Miraflores.


Pourquoi avez-vous choisi la ville de Lyon ?

C’est un hasard, ma soeur faisait ses études ici donc je l’ai rejoint, et la ville m’a plue. C’est aussi simple que cela (rires).


Comment définiriez-vous votre cuisine au Miraflores ?

C’est une cuisine fusion, inspirée par ma culture, mon passé. Nous proposons des produits rares qui ne sont méconnus, même à Lima.
Je viens d’un petit village au nord du Pérou, à 4 000 m d’altitude, là-bas nous cultivons beaucoup de céréales et de pommes de terre que l’on ne voit pas ailleurs. J’utilise des produits très naturels puis les transforme avec une technique plus moderne. Mais c’est une cuisine fusion puisque certains produits sont français.


Selon vous qu’est-ce qu’une bonne cuisine ?

L’essentiel est d’avoir une identité. La technique ne suffit pas. Une cuisine sans âme ce n’est pas intéressant. En tout cas c’est mon avis personnel !


Comment créez-vous vos plats, quelle est votre source d’inspiration?

Je fais appel à mes souvenirs. A l’époque, quand j’étais tout petit, ma maman me donnait de l’argile dans du lait. En haute montagne c’est très bon, car cela contient beaucoup de fer et de minéraux.
Aujourd’hui, j’importe ce produit pour vous le faire découvrir. A chaque fois que je propose quelque chose, c’est mon enfance, mes souvenirs qui reviennent. Chaque produit, chaque plat, chaque préparation a son histoire.
C’est difficile d’expliquer tout cela aux clients car je suis seul en cuisine. Mais mon objectif est de pouvoir aller en salle et d'échanger avec mes clients.


Quel plat mangeriez-vous dans votre restaurant ?

C’est difficile de choisir parce que j’aime tout (rires) ! Cependant, je pense que le ceviche est un incontournable. C’est un plat emblématique, le porte-drapeau du Pérou.


Comment justifiez-vous le prix de votre cuisine ?

Tout d’abord, il faut bien bien faire la différence entre ce que chaque restaurant propose. Ici, c’est coûteux parce que les produits sont très chers. 80% des produits sont importés et biologiques, cela a un coût et surtout en France. De même, un sommelier travaille avec nous, et propose des vins péruviens bios, des cocktails, du Pisco…
Il faut remettre les choses dans leur contexte. Un menu dégustation s’effectue en quatre services, avec 10 ou 15 plats différents, c’est un moment qui peut durer 3 heures. Enfin cela dépend des gens et de la vitesse à laquelle ils mangent (rires) !


Sentez-vous une vraie dynamique gastronomique à Lyon ?

Pour être tout à fait honnête, pas vraiment. Il y a quelques années, c’était très traditionnel. Les choses évoluent progressivement, je vois de petits restaurants ici et là qui commencent à innover.
Je trouve cela formidable car nous sommes l’un des seuls à proposer une cuisine aussi atypique. Pour se faire une place en France, à Lyon, c’est très compliqué. On se bat encore contre les clichés: l’image du péruvien en poncho avec sa flûte de pan. Moi, je veux mettre la cuisine péruvienne en avant avec une technique, un beau travail dans l’assiette et un bon service.


Vous avez reçu le titre de meilleur espoir au Gault et Millau. Votre prochain objectif est-il de décrocher une étoile ?

Je ne cherche pas d’étoile, si un jour on m’en donne une ce sera formidable, mais ce n’est pas mon objectif. Je travaille pour moi et surtout pour le Pérou. La reconnaissance par mes pairs, c’est important aussi. Mais ce que je souhaite avant tout, c’est faire découvrir la cuisine péruvienne, mettre en valeur mon pays.


Retournez-vous au Pérou régulièrement, que rapportez-vous?

Je me rends là-bas deux fois par an. Je vais voir mes fournisseurs, je cherche de nouveaux produits, je rencontre des chefs… La cuisine péruvienne est en train de connaître une ascension phénoménale en Amérique et en Asie. Il existe des restaurants incroyables, niveau trois étoiles, que personne ne connaît. Des établissements très créatifs, comme jamais je n’ai vu en France, qui proposent des produits complètement fous.
J’aimerais beaucoup faire la même chose, parce que c’est mon identité, mais je ne peux pas importer tout ce que je souhaite. Le dernier produit “sensible” que j’ai rapporté, ce sont de petites algues appelées "Caviar des Incas". Elles poussent dans des lacs de haute altitude au Pérou. Elles explosent en bouche et libèrent un goût iodé vraiment agréable. On dirait une cuisine moléculaire alors que c’est entièrement naturel.


Auriez-vous un restaurant à recommander à Lyon ?

L’Inattendu dans le 6ème arrondissement.


N’est-ce pas trop difficile de concilier vie de famille et vie de chef ?

Je suis un heureux jeune papa qui profite de sa fille. Je passe la journée avec elle et le soir je suis au restaurant.
L’établissement est ouvert seulement le soir parce que nous n’avions pas la possibilité d’embaucher au départ. Et puis cela me permet de consacrer toute la journée à la mise en place. Je peux faire plus de choses et mieux gérer mes produits qui sont très fragiles.


Découvrir Le Miraflores

Propos recueillis par Morgane Landré pour Lyonresto - Juillet 2015

Miraflores
60, rue Garibaldi Lyon 6ème
Du mardi au samedi soir, sur réservation
Tel: 04 37 43 61 26