Mag N°310 juillet 2015
Patrick Henriroux : aubergiste du 21ème siècle au restaurant La Pyramide à Vienne
La Pyramide est une maison comme on n'en voit plus, une demeure sur laquelle les années n'ont pas de prise. Ici on ne trouve pas d'employés mais des collaborateurs. Chacun a son rôle, sa part de responsabilité et est fier de son métier et d'appartenir à la maison. Les décisions se prennent en groupe, et tout le monde apporte une pierre à l'édifice. L'équipe a d'ailleurs été récompensée par le Trophée Haerbelin en 2014.
A l'heure du Jazz à Vienne, chez lui, les stars sont les clients. Et on doit bien admettre que l'établissement est d'une intelligence rare. Ici pas de faste inutile, tout est fait pour que le le moment passé soit exceptionnel.
Situé sur un site historique, le restaurant de la Pyramide ouvre ses portes pour la première fois en 1822 sous le nom du “Poirier idéal”. Si le fameux arbre fruitier est toujours présent dans le jardin de l’hôtel, ce sont depuis des familles de restaurateurs qui se sont succédées. La plus illustre restera la famille Point avec son chef Fernand qui sera le premier à obtenir trois étoiles au célèbre guide rouge en 1933. L'homme a marqué la gastronomie française et a formé les plus grands: Paul Bocuse, les frères Troisgros, Louis Outhier, les Haeberlin, Alain Chapel... En 1989, Patrick Henriroux décide avec sa femme Pascale, de reprendre l’établissement alors fermé depuis trois ans. Un pari fou pour le jeune couple alors âgé de 29 et 26 ans.
Les Henriroux se sont alors efforcés de faire rentrer la maison dans la modernité, investissant sans cesse dans leur établissement. Le travail et le talent payent, les deux premières étoiles arrivent vite en 1990 et 1992. En 1999, l’établissement est classé Relais et Châteaux et s’impose comme une nouvelle référence dans le paysage gastronomique français. Après 27 ans passés à La Pyramide, le chef Patrick Henriroux ne se voit pas ailleurs et continue à construire l’avenir de l’établissement avec l’aide de ses enfants et de ses collaborateurs.
Rencontre avec "L'Aubergiste du 21ème siècle" qui s'est prêté à notre jeu de questions réponses.
Nous les faisons à la demande du client. Le turbot champagne, la sole aux nouilles, la volaille de Bresse en vessie... sont des plats que nous savons réaliser à la perfection, mais nous considérons qu’il faut avancer avec son temps. Ce sont des classiques excellents mais nous souhaitons sortir de ces classiques, avoir notre propre signature.
D’abord je suis fils d’agriculteurs, donc j’ai grandi entouré de beaux produits. Nous ne mangions quasiment que des produits maison. Ensuite, j’ai fait une partie de mon cursus à Mougins, dans le sud, où j’ai découvert ce que voulaient dire les beaux légumes. Certains disent même que c’est grâce à eux que l’on évalue le niveau de maîtrise d’un cuisinier. Ils n'admettent pas la médiocrité, doivent être d’une fraîcheur exemplaire et demandent une attention particulière tout au long de leur transformation.
On a tous des passions dans la vie (rires). En plus, à Vienne nous avons l’un des plus beaux marchés de France, avec plus de 4000 personnes tous les samedis matins. Je n’achète que le meilleur de la région et respecte la saisonnalité.
Il y a deux pôles de restauration et un hôtel 4 étoiles de 23 chambres qui vient d’être entièrement rénové, en phase avec son temps. Côté restauration, nous avons le PH3 qui est un restaurant de convivialité avec une carte courte qui se renouvelle constamment. Un établissement qui vous reçoit tous les jours et à toutes heures. Le concept se décline autour du chiffre trois ainsi qu’une cuisine de démonstration : tout est préparé devant vous sur le bar central équipé de planchas japonaises.
Chaque année, c’est 40 000 repas que nous servons, entre le restaurant gastronomique et L’Espace PH3. On a une clientèle à 65% Rhône-Alpine mais aussi des étrangers notamment grâce à l’hôtel et à l’association Relais et Châteaux.
Je ne vais pas partout dans le monde, le Japon est un pays à part. Je me rends là-bas depuis 1987 et j’ai un statut de formateur et de restaurateur. Cela me permet de transmettre notre savoir à l’étranger mais également de dynamiser notre propre maison.
J’ai choisi le Japon car je considère que c’est peut-être le seul pays dans le monde où l’on est capable de réaliser la même cuisine que l’on fait chez nous. La cuisine traditionnelle japonaise a le même esprit de rigueur que la nôtre et la passion du métier est aussi forte.
Au contraire, j’étais ravi. D’abord c’est un bon ami et puis qu’il soit à Saint-Rambert ou à Lyon, c’est à peu près la même distance ! Son second a d’ailleurs travaillé pendant 8 ans avec moi.
Je pense que plus il y a de belles maisons, mieux c’est. Aujourd’hui nous avons besoin de chefs étoilés dans la région, il nous faut une nouvelle génération forte pour prendre la relève. Je suis content de voir de jeunes chefs étrangers s’installer à Lyon. Ils apportent un autre regard et créent l’émulation. Ce qui m’attriste, c’est de voir que de nombreux restaurants sont aujourd’hui tenus par des financiers qui ne sont pas de la profession. Cela dessert notre métier car l’engagement humain et personnel n’entre plus en jeu.
Je travaille effectivement avec ma femme, mon fils, ma fille et mon gendre ! Il me manque le petit dernier, mais il est en train de passer son bac alors… (rires).
La passion ce n’est pas moi qui la transmets. Je n’ai jamais voulu forcer qui que ce soit. Que ce soient mes collaborateurs ou mes enfants, je veux qu’ils rentrent dans le métier par plaisir et non par obligation. Le jour où l’obligation se fait sentir ce n’est plus possible.
Si mes enfants ont envie de faire perdurer la maison ils le feront, je ne leur impose rien. Nous on ne s’accrochera pas à la branche jusqu’à 100 ans comme les anciens, parce que c’est à ce moment-là que les maisons n’avancent plus. C’est à tente ans que l’ont fait progresser une entreprise. Aujourd’hui ma fille, mon gendre et mon fils ont les clés, la vision, pour le futur de l’établissement. C’est d’ailleurs eux qui me conseillent et mettent en place les améliorations que nous entreprenons. L’objectif est de créer de la participation.
Que ce soit en cuisine ou lors de la création de l’hôtel par exemple, nous avons consulté tous les collaborateurs pour qu’ils donnent leur avis et soient acteurs de nos projets.
Les anecdotes arrivent souvent avec les musiciens que l’on reçoit lors du festival Jazz à Vienne. Un de mes amis avait une guitare qu’il voulait absolument se faire dédicacer par Eric Clapton. Ce dernier était présent dans l’établissement, mais était méfiant et ne s’est donc pas exécuté. C’est alors que Marcus Miller décide de signer la fameuse guitare. Du coup, un peu vexé, Eric Clapton a finalement accepté de dédicacer l’instrument et la soirée a fini en concert privé pour 15 heureux clients.
Propos recueillis par Morgane Landré pour Lyonresto - Juin 2015
Découvrir le restaurant gastronomique de La Pyramide
La Pyramide
14 Boulevard Fernand Point, Vienne.
04 74 53 01 96
L'hôtel et les restaurants vous reçoivent tous les jours.