Après une première partie d’interview consacrée au métier de pâtissier…
Christian Têtedoie, le chef lyonnais que l’on ne présente plus
Surnommé le chef au parcours sans faute Christian Têtedoie nous a reçu chez lui, à l’Antiquaille. Rencontre avec l’une des figures de proue de la gastronomie lyonnaise depuis les années 80.
Le chef ne semble pas avoir pris une ride et garde son sourire malicieux en toutes circonstances. Connu pour sa discrétion, son humilité et sa générosité l’homme reste fidèle à son image. Il nous parle de ses projets à coeur ouvert et se prête au jeu de l’interview malgré un emploi du temps chargé.
Retour sur son parcours
Fils de maraîchers Nantais, il dit vouloir être cuisinier depuis l’âge de 11 ans. Il a travaillé pour les grands : Paul Bocuse, Roger Vergé, Louis Outhier, Jean Ducloux, Georges Blanc. A leur côté, il apprend le respect pour les produits et le “beau geste”. Suivra une carrière couronnée de succès : Meilleur Apprenti de France en 1979, cuisinier à l’Elysée, Meilleur Ouvrier de France en 1996, une étoile en 2000, Chevalier de la Légion d’Honneur en 2011, six établissements et président des Maîtres Restaurateurs en 2015. Le chef sait garder les pieds sur terre et aime par-dessus tout transmettre. Il a pour cela créé l’Arsenic, « restaurant tremplin » pour de jeunes chefs talentueux qui ont travaillé avec lui et auxquels il propose de prendre les commandes pendant deux ans.
Qu’est-ce qui caractérise votre cuisine?
Réussir à trouver son style en cuisine est un cheminement long et très compliqué. Il faut s’imprégner de ce que l’on a pu voir dans les grandes maisons puis trouver sa propre expression.
Bien sûr, il y a un style Têtedoie. Mais je l’ai fait évoluer avec le temps. Lorsque j’étais sur les quais de Saône, j’avais déjà eu une belle évolution avec l’étoile en 2000. Je ne voulais surtout pas me reposer sur mes lauriers. J’ai donc décidé de donner un premier coup de jeune à ma cuisine.
Dix ans plus tard je m’installais à L’Antiquaille. Ce fut l’occasion de refaire un point sur tout et de pousser plus loin la créativité. Une créativité libérée grâce à un nouvel outil et une belle modernité. Je voulais que ma cuisine soit à la hauteur du lieu : toujours une grande maîtrise technique mais aussi une originalité débridée.
La pâtisserie, est-elle votre terrain de jeu favori pour exprimer votre passion pour l’art contemporain ?
Oui, j’ai d’ailleurs un projet de livre, que je n’ai pas le temps de faire sur ce sujet. L’idée est de partir d’une oeuvre d’art et de l’interpréter en cuisine ou en pâtisserie. Cela m’est déjà arrivé d’être inspiré par des oeuvres présentes dans le restaurant.
Nous faisons, pour les entreprises, des séminaires sur la créativité. L’art est un sujet de réflexion, à la fin de l’expérience nous mettons en commun nos idées pour créer une recette que nous réalisons puis dégustons ensemble. C’est une démarche qui me plaît.
Paul Bocuse dit de la France que c’est un pays béni des dieux et que Lyon en est le garde-manger, qu’en pensez-vous ?
Je ne peux que valider ! (rires) Il est vrai que nous sommes « gâtés pourris » à Lyon. Il y a un an, Guillaume Garot, ancien ministre délégué à l’agroalimentaire, m’a demandé d’intervenir à Séoul sur une thématique : « la construction de la cuisine française de Louis XIV à nos jours. A l’époque, le système monarchique a poussé les seigneurs à rechercher les meilleurs produits pour le roi. Cette envie de séduire le monarque a créé une émulation très intéressante. La diversité et la qualité de nos produits viennent principalement de là, cette envie de plaire grâce à la gourmandise.
Vous possédez six établissements au total, dont un restaurant gastronomique, comment faites-vous pour gérer tout cela ?
Il faut savoir bien s’entourer. La vie c’est une histoire d’hommes, il est important de savoir faire confiance et de bien choisir ses collaborateurs ; les emmener vers un projet commun et les faire progresser. Créer une cohésion entre les équipes avec une petite pointe de concurrence aussi…
Est-il vrai que votre fils se lance dans le métier ?
Oui, il a repris le Kiozen, près du théâtre des Célestins, avec un camarade de l’Institut Paul Bocuse. Le Café Terroir ouvrira début juillet.
Je suis ravi pour lui, il a une belle énergie et une bonne formation avec des expériences à Shanghai ou aux Etats-Unis. Leur démarche me plaît beaucoup. Ces six derniers mois ils ont pris le temps de rencontrer les fournisseurs, leur objectif étant de ne travailler qu’avec des produits locaux, fabriqués à moins de soixante kilomètres de Lyon. En cuisine, ils ont fait appel à une jeune chef qui était également à l’Institut et avec qui j’ai travaillé en Asie. Elle est passionnée et fait du très bon travail, je pense que ce sera un bel endroit où l’on va pouvoir se régaler.
Vos projets futurs sont-ils des projets de cuisinier ou des projets de restaurateur ?
Des projets de cuisinier. La tendance va être de maintenir, voire diminuer ce qui est en place. Les gens recherchent un moment privilégié, un moment d’exception, un moment rare. C’est ce que nous allons désormais cultiver. Nous allons réduire le nombre de couverts pour tendre vers l’excellence.
Une deuxième étoile peut-être…?
Oui c’est l’objectif ! (sourire)
Propos recueillis par Morgane Landré pour Lyonresto
Christian Têtedoie
Montée du chemin neuf – L’Antiquaille
Ouvert du lundi au samedi