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Dans les coulisses de l’Auberge du pont de Collonges, de Paul Bocuse…
A l’occasion des 50 ans des trois étoiles de Monsieur Paul Bocuse, Lyonresto vous emmène dans les coulisses de son restaurant. Visite insolite et chargée d’histoire, nous avons reçu un accueil des plus chaleureux. Partez avec nous à la découverte des cuisines, de la pâtisserie ou encore de la cave à vin. Olivier Couvin nous parlera également, de la cuisine et de l’esprit de cet établissement légendaire dans le monde entier ( Toutes les photos ici)
Quelles-sont les valeurs de L’Auberge du pont de Collonges ?
Quand vous franchissez cette porte, vous devez vous sentir chez vous. Ce qu’il y a de plus difficile, c’est d’avoir de la rigueur, sans que le client la ressente. C’est à ce moment que le personnel de service entre en jeu . J’ai déjà vu François Pipala, qui est Meilleur Ouvrier de France, dresser des assiettes de desserts avec des enfants. Cela résume bien l’esprit de la maison. Quand les enfants passent devant la cuisine, on fait des photos avec eux, on leur donne une toque. Voilà vous êtes chez vous, pour un moment, mais vous êtes chez vous .
C’est malgré tout un moment qui revient cher, il ne faut pas se voiler la face, mais si on réussit ce tour de main, on a tout gagné. La difficulté du service en salle, c’est que tout se fasse dans la perfection, avec fluidité et discrétion. Puis c’est à nous, en cuisine de faire en sorte que les clients apprécient le repas. Nous ne sommes pas infaillibles, si les joueurs de foot gagnaient tous leurs matchs cela se saurait. On essaye d’être au maximum chaque jour, après, oui nous ne sommes pas des machines, on peut avoir un loupé. Mais c’est rare !(rires)
Est-ce que les trois étoiles ont encore du sens aujourd’hui ?
Plus que jamais, et le titre de MOF en est la preuve. Certains critiquent, disent que c’est la cuisine d’autrefois. Ma réponse est simple: ce sont les bases. On ne construit pas une maison sans fondation. Un jeune qui a travaillé chez nous, que ce soit en salle ou en cuisine, possède des bases très solides. Il est libre de cuisiner comme il le souhaite. Il peut faire de la cuisine moderne, de la cuisine plus contemporaine. Il choisira sa voie, mais au moins il aura les bases pour réaliser cette cuisine avec goût et respect du produit, c’est là le plus important.
Il y a beaucoup de gens qui sont de passage à l’Auberge. Dans un temps bref, deux ou trois ans, on doit leur transmettre le maximum de choses et surtout le respect. Une fois que c’est acquis, on a l’esprit tranquille, on sait qu’ils vont réussir et s’épanouir. Nous faisons de la formation en permanence, ce n’est pas facile tous les jours, mais lorsqu’un bon élément se présente, c’est un véritable plaisir. Quand j’ai obtenu mon titre, j’ai reçu de nombreux messages d’anciens collègues et cela m’a touché.
Y-a-t-il un renouvellement de la carte à l’Auberge ?
Si on enlève un plat, comme la volaille en vessie, le loup en croûte ou la soupe aux truffes, les gens ne sont pas d’accord! (rires) Cependant on varie en fonction des saisons. Lorsque c’est la période de la Saint-Jaques on en propose au menu. On essaye de changer deux ou trois choses par saison : les asperges, les truffes fraîches. Actuellement on travaille le turbo, des pièces de 12 kilos, c’est magnifique.
On est aussi un peu victime de la notoriété. Certains clients parcourent des centaines, voir des milliers de kilomètres, pour manger à notre table. On ne peut pas les décevoir et ne pas leur proposer les plats qui les ont fait venir. Certains disent : vous faites toujours la même chose. Peut-être, mais personnellement, j’ai vu une famille avec trois générations venir déjeuner ici et retrouver le loup en croûte ou la soupe aux truffes qu’il avaient mangé il y a soixante ans. Ils reviennent parce qu’ils n’ont jamais retrouvé ces goûts là, cette émotion. Ce sont ces clients que l’on ne veut pas décevoir. Rester fidèle à leurs souvenirs c’est cela qui est difficile. Sur deux ans, cinq ans, dix ans, il faut garder la même qualité, les mêmes saveurs. Garder cette constance, année après année, c’est le vrai défi. Oui, nous amenons aussi des plats qui changent un peu et dans le futur on amènera encore des choses un petit peu différentes, mais on gardera toujours l’esprit de la maison, il ne faut pas le changer.
L’après Paul Bocuse, vous y pensez ?
Ah oui, mais heureusement que l’on y pense. Il serait fou et dangereux de ne pas y penser. On ne peut pas se cacher derrière Monsieur Paul et ne pas réfléchir à la suite. C’est une histoire tellement magique, elle ne doit pas s’arrêter. Notre maison se doit d’exister, nous portons en nous les traditions de la gastronomie française. D’ailleurs nombreux sont ceux qui reviennent à ce que l’on faisait il y a quarante ans. Les phénomènes de mode vont et viennent, mais garder une ligne de conduite c’est peut-être ce qu’il y a moins évident. C’est en suivant cette philosophie que nous traversons les années, et nous les traversons bien. Vous savez on ne se prend pas pour des stars ici, nous sommes des cuisiniers avec du respect pour les fondamentaux.
Est-ce que vous avez encore la pression à la sortie du guide rouge, ou est-ce qu’après 50 ans on se dit que c’est dans la poche ?
Bien sûr, on ne peut pas dire que l’on a pas la pression. Cinquante ans c’est exceptionnel, on ne reverra peut-être jamais ça dans une génération.
Mais la pression on l’a tous les jours, avec chaque client. Nous sommes confrontés à la critique au quotidien, positive ou négative. Lorsque nous réalisons un service de 80 ou 100 couverts, chaque assiette est une remise en question, chaque client est important. Il y a une citation, que j’aime beaucoup, qui dit : “la cuisine est l’art de transformer la nourriture en bonheur”. Et c’est notre objectif, lorsque les gens quittent le restaurant ils partent heureux.
Alors, certaines personnes ne comprendront pas, on aura essayé. On ne peut pas plaire à tout le monde et il y a de la cuisine pour tous les goûts. Moi le premier quand je vais au restaurant j’essaie de comprendre, d’analyser des goûts, des mélanges qu’on ne fait pas chez nous. Il ne faut pas être fermé dans une cuisine, se dire que l’on est bon dans un domaine et ne pas aller voir ce qu’il se fait ailleurs, ce serait une erreur.
Pourriez-vous, nous parler d’un plat phare du restaurant, la Sole aux nouilles Fernand Point ?
Fernand Point on ne le présente plus, c’était le mentor de Monsieur Paul. La sole aux nouilles est un plat hors du temps qui met en scène des produits d’exception. Le patron (Paul Bocuse) est très attentif au fait que ce plat sorte parfaitement de la cuisine. Je ne sais pas pourquoi, sûrement que cela lui tient à coeur.
C’est un plat qui paraît simple mais qui est pourtant très compliqué. Les pâtes fraîches sont accompagnées d’un filet de sole et le tout est nappé avec un glaçage. Et c’est cette sauce qui change tout le plat. Beaucoup d’éléments entre en jeu pour réaliser ce nappage à la perfection et obtenir un plat d’exception.
La spécificité de l’Auberge c’est aussi une vraie générosité dans les assiettes, des portions bien différentes que dans les autres étoilés. Pourquoi ce choix ?
C’est une vraie volonté, une règle depuis le début de la maison et c’est important je pense. Les gens viennent aussi chercher cela. Si un jour on modifiait les portions, à être moins généreux, les clients ne comprendraient pas. Il faut, tout de même, que le prix soit en rapport avec le contenu de l’assiette. C’est notre façon de faire, c’est notre cuisine.
A titre d’exemple, pour deux personnes on compte : un poulet de Bresse entier, une côte de veau de 500g ou 800g de loup en croûte. Et les gens finissent, parfois il calent un peu au moment des desserts (rires). Mais ce n’est pas à l’excès, c’est notre façon de faire à nous. Et puis lorsque vous êtes bien reçu, que vous êtes à l’aise, c’est un moment magique. Vous vous surprenez vous même!
Lorsqu’un client paye 200 euros un menu, il doit en avoir pour son argent. Je serais triste d’entendre qu’un client a encore faim en sortant du restaurant. En tout cas chez nous, je ne pense pas que cela puisse arriver, c’est une mentalité.
Dernière question: Monsieur Paul fait-il toujours le tour des tables ?
Malheureusement non. Mais on est content parce qu’il vient nous voir tous les matins, il est toujours impliqué. Il veut savoir comment s’est passé le service du soir, si on n’a pas commandé trop de marchandises, si il n’y a pas trop de pertes… Personne n’a 20 ans toute sa vie, mais l’esprit est là et nous sommes ici pour le garder.
L’auberge en quelques chiffres
-Sept MOF en activité à l’Auberge
– Une vingtaine de personnes en cuisine
– Jusqu’à 90 000 couverts par an
– Le Menu Grande tradition représente 60% des ventes
– 7 à 8 tonnes de homard par an
– Un turbo d’environ 12 kg coûte 400 euros
– Une clientèle de plus en plus jeune entre 30 et 40 ans.
Interview recueillie par Morgane Landré avec toute la bienveillance de l’équipe de l’Auberge .
L’Auberge du pont de Collonges – Paul Bocuse
40 Rue de la Plage
69660 Collonges-au-Mont-d’Or
04 72 42 90 90
Ouvert tous les jours, midi 12h-13h30, soir 20h-21h30