Mag N°259 mars 2014


Le produit avant tout, avec Damien Gateau

Damien Gateau, fin gourmet dont le nom lui prédestinait un avenir dans le secteur de la gastronomie, est un amateur de bons vins et de produits italiens, qu'il distribue auprès de nombreux chefs de la ville de Lyon. Nous l'avons rencontré afin de découvrir son métier et ses goûts culinaires.


Vous avez travaillé dans des caves de Lyon, monté votre agence de distribution en vins et produits alimentaires français et italiens… est-ce que vous pourriez nous parler de votre parcours ?

Tout a commencé très tôt. Mon frère a remporté un concours radiophonique sur le vin, et il a gagné un fond de cave avec de belles bouteilles. Tout gamin, j’ai pu goûter des vins assez exceptionnels, et ça m’a titillé l’esprit. Ensuite, j’ai eu un beau-frère qui travaillait dans ce domaine, et il m’a aidé à m’orienter à mon tour dans les métiers de bouche et à me spécialiser dans le vin.

J’ai pas mal travaillé en restauration et dans des établissements de la nuit pour commencer, puis j’ai fait une dizaine d’années en cave avant de monter ma société en 2004. Au départ, je faisais principalement de la vente de produits aux particuliers avec des prestations de service et des soirées dégustation. La crise est passée par là, et j’ai décidé d’ouvrir la société aux professionnels de la restauration.

Aujourd’hui je me rends dans les cuisines des restaurants dès 8h30 pour échanger avec les chefs. J’ai fait le choix d’avoir sur ma carte, des vins et des champagnes bien sûr, mais également des produits alimentaires, essentiellement italiens, qui sont ma porte d’entrée dans les cuisines.

Crédit photo : Jean-Luc Mege


Je conseille aux restaurateurs d'établir une saisonnalité de la carte des vins.

Je fais aussi du « service après vente ». C’est à dire que je vais conseiller les chefs et les restaurateurs sur les prix au verre, à la bouteille… et je vais avoir tendance à leur conseiller de réduire la carte des vins afin d’établir une saisonnalité, au même rythme que les changements de carte. Si c’est la saison des morilles, on va sortir un vin qui est adapté.

Donc j’ai deux casquettes auprès des professionnels. Et ma troisième, c’est celle de professeur. J’ai enseigné pendant cinq ans à l’Institut Paul Bocuse aux futurs chefs et directeurs d’hôtel : initiation à la dégustation, géographie viticole… tout ce qui a un rapport avec le vin. Là, ça fait deux ans que j’enseigne à l’institut Vatel.

Et puis en octobre 2013, j’ai racheté ce local, que j’ai baptisé la Manufacture, pour en faire un showroom à destination des professionnels en début de semaine, et du jeudi au dimanche, pour les particuliers, qui peuvent se procurer exactement les mêmes produits que les chefs.


On voit ici que vous avez étoffé votre carte de produits alimentaires, on ne trouve pas uniquement des produits italiens…

En effet, j’ai commencé par l’Italie, et ça reste le n°1 en terme de produits alimentaires que je distribue, mais j’ai aussi des produits espagnols et des huiles et vinaigres français. Par exemple, vous trouverez ici de l’huile d’olive du Château d’Estoublon aux Baux de Provence, et des vinaigres d’une petite production dans l’Ain qui s’appelle Libeluile. Ils font des huiles vraiment très pures avec des vinaigres à la pulpe de fruits assez fabuleux. Grâce à Michel Troisgros, j’ai rencontré des gens qui font un super vinaigre de Pineau des Charentes, à côté d’Angoulême.

Et puis je suis aussi à l’écoute de mes clients. J’essaie de leur trouver des produits qui peuvent leur convenir pour qu’ils s’amusent en cuisine. Un de mes clients va utiliser le vinaigre de Pineau des Charentes pour déglacer son foie de veau, un autre prend le mistelle de pruneaux pour ses desserts… J’aime apporter aux chefs des produits de qualité avec lesquels ils vont se faire plaisir.

Le plaisir que j’ai dans ce métier, c’est la recherche et la découverte de nouveaux produits.


Sur quels critères sélectionnez-vous les vins et produits que vous distribuez ?

J’aime avoir un bon feeling avec les gens. Donc il faut tout d’abord que je m’entende avec les vignerons et producteurs avec qui je travaille. Sur les produits italiens, je distribue les produits d’un grossiste basé dans le sud de la France. Et bien j’essaie de rencontrer chacun des producteurs. Pour moi, c’est important de mettre un visage et un lieu sur un produit.

En fait, la vente c’est la cerise sur le gâteau, mais ce n’est même pas la finalité. Le plaisir que j’ai dans ce métier, c’est la recherche et la découverte de nouveaux produits.


Un petit conseil pour bien choisir son vin pour un repas ?

Il n’y a pas un conseil précis, parce que le choix du vin est très subjectif. Un bon vin doit donner de la fraîcheur dans le verre, donc il faut une belle acidité qui va trancher avec le plat, et de l’amertume, pour donner envie d’en boire une second verre. Le vin que l’on choisit ne doit pas s’effacer devant le plat ni prendre le dessus. C’est une question d’équilibre.


Si vous aviez des convives ce soir, chez vous, que leur servirez-vous ?

Un poulet rôti. C’est un produit qui a plein d’avantages. Tout le monde aime le poulet rôti du fait de sa texture agréable et de son goût neutre et goûteux à la fois. Et puis c’est un plat qui s’accorde avec tous les vins. Que ce soit un vin vieux, jeune, puissant, léger, effervescent ou liquoreux… mais évidemment, on ne va pas aller chercher un poulet de batterie. On va plutôt choisir une bonne volaille fermière de Bresse. Et si on rajoute des frites maison, c’est encore mieux.


Quel style de cuisine affectionnez-vous le plus ?

Honnêtement, j’aime tout du moment que c’est bien préparé. Je vais me régaler d’un bon pot-au-feu comme d’un plat assez épuré.

En cuisine du monde, j’apprécie beaucoup les plats italiens, parce que c’est l’exemple typique d’une cuisine simple mais superbe. Et puis j’aime la gastronomie asiatique : japonaise, mais aussi coréenne, thaïlandaise ou encore taïwannaise.


Quel genre de restaurant a votre préférence ?

J’aime l’esthétique dans l’assiette. C’est important d’avoir une belle et bonne assiette. Donc la fraîcheur des produits est primordiale. Et puis j’apprécie que le service soit souriant et chaleureux. Et pour ça, il faut que les gens aiment leur métier.

Aujourd’hui, il y a une nouvelle génération de chefs qui s’intéressent de près aux produits : une épice, une huile, un vinaigre… ces chefs sont capables d’improviser autour de ces produits. Pour moi, ce sont de vrais chefs. Et ce qu’ils vont imaginer dans l’assiette ensuite, ça m’intéresse beaucoup.

Je suis un peu mono-maniaque, je vais
toujours dans les mêmes restaurants.


Votre meilleur souvenir au restaurant ?

J’ai plein d’excellents souvenirs. Il y a des plats qui restent en mémoire bien sûr, comme le rouget en écailles de pommes de terre chez Paul Bocuse, un dos de biche poêlé au gingembre et citron vert à La Brunoise, un millefeuille à la framboise fait chez Georges Blanc il y a des années… Donc un seul souvenir serait trop restrictif.


Quels sont vos restaurants favoris ?

J’en ai plein, et en même temps, je suis un peu mono-maniaque car je vais toujours dans les mêmes.

Je suis un fan absolu du Palégrié qui est un bel exemple de restaurant qui fait une cuisine simple mais goûteuse, avec de beaux produits et une grande maîtrise de la cuisson et de l'asaissonnement. J’aime beaucoup leur service du vin : une carte courte mais un service précis.

Mon point de chute le plus régulier, c’est certainement Le Potager des Halles. Il y a un état d’esprit vraiment très agréable où l’on se sent bien. La cuisine est de plus en plus fine et le chef travaille de beaux produits.

J’aime beaucoup La Mère Brazier aussi, pour le côté « gastro » et le Brazier Wine Bar pour le côté « canaille ».

Et si je veux manger japonais, j’irai Chez Terra, qui font d’ailleurs les meilleurs gyoza que j’ai jamais mangé, même si ce n’est pas une spécialité japonaise.


Une adresse pour acheter de bons produits à Lyon ?

Chez Reynon traiteur, rue des Archers. Je m’y fais plaisir aussi bien avec le jambon à l’os que leur cervelas truffé pistaché.



Article rédigé par Stéphanie Bourlion