Mag N°282 octobre 2014
Le grand marché de la Croix-Rousse
Qu’il soit, dans notre imaginaire, majoritairement fréquenté par les bobos pour les uns, par les seniors pour les autres ou encore par les jeunes ménages aisés des Monts d’Or, le consensus émerge autour de son caractère cosmopolite et de sa propension à incarner un véritable « lieu privilégié de la mise en scène du quotidien ».
Crédit photo : Francis Malapris
À la fin du XIXème siècle, dans la lignée des travaux Haussmanniens, l’espace urbain de la Croix-Rousse est en pleine mutation. En 1865, quelques années après son coup d’état et l’annexion de la Croix-Rousse à Lyon, Napoléon III ordonne la chute des remparts qui s’érigeaient jusqu’alors pour lutter contre « l’ennemi », c’est à dire les canuts* !
À la place, on perce le grand boulevard de la Croix Rousse. Large et long, c’est l’espace idéal, pour l’installation du fameux marché de la Croix-Rousse. Tellement bien placé qu’il élimine progressivement les marchés des placettes du quartier (Quai St Clair, place Belfort et place de la Boucle). On y amène la marchandise des bourgs alentours à l’aide d’attelages tirés par des chevaux ; ces derniers stationnent le long du boulevard et on s’y délecte des soupes chaudes cuisinées sur place.
Aujourd’hui, même si les caissettes en plastique et en bois ont remplacé les corbeilles en osier, le marché de la Croix-Rousse est l’un des plus colorés et animés de Lyon, et il est très propice à la flânerie.
Vincent, la cinquantaine, cuisinier de Vaise, recherche nonchalamment ses girolles qui accompagneront avec finesse sa blanquette de veau. Il démarre à la fraîche du Gros Caillou pour finir au niveau de la mairie du 4ème arrondissement. Dorothée, retraitée en service volontaire international, retrouve entre deux missions le plaisir des légumes et des fruits frais. Elle n’a pas d’horaire mais commence par les bancs du fond, où les prix sont les plus intéressants et remonte le boulevard jusqu’à la buvette du marché pour un petit verre de blanc partagée avec les ex-collègues. Joe, l’étudiante en management culturel nouvellement installée dans le quartier opte pour une arrivée tardive, vers 11h00, pour les plateaux de légumes à un euro. Elle avoue se laisser fréquemment séduire par l’alléchante odeur des poulets dorés qui narguent les narines dans leurs rôtissoires.
À partir de Novembre 1831, date de leur première insurrection, ils seront considérés par les autorités comme des ennemis internes à mater.
Avec ses 105 commerçants dont 1/3 de producteurs et 2/3 de revendeurs, toutes les bourses y trouvent leur compte. L’emplacement des « abonnés » est réservé toute l’année alors que les « volants » s’installent sur les espaces vides.
Si les anciens du marché, présents tous les jours depuis des années, fidélisent leur clientèle avec des produits de qualité, de saison, quelques bons mots ou des recettes de tartes aux quetsches à l’ancienne, d’autres attirent nos sens avec leurs ananas et leurs mangues à déguster ! À chacun son style donc, mais les 76 membres de l’association du Marché de la Croix-Rousse, créée il y a cinq ans, l’ont bien compris : rien de tel que de se regrouper pour défendre des intérêts communs et sensibiliser les lyonnais à la consommation de fruits et légumes.
Si vous aussi vous souhaitez assister au spectacle authentique du marché de la Croix-Rousse, c'est tous les jours sauf les lundis de 06h à 13h30. Rendez-vous matinal pour la majestueuse entrée du placier, puis la valse des commerçants qui installent vaillamment leurs bancs, les tangos des flâneurs, puis le rock’n'roll endiablé des glaneurs, des agents d’entretien et de leurs balayeuses.
- Les samedis : marché biologique
- Les dimanches : ambiance musicale garantie grâce à la fanfare !
Article rédigé par Pauline Ronzy