Mag N°265 avril 2014


Rencontre avec Gaby Didonna chef de l'Oto Oto

Oto Oto est un restaurant japonais au concept unique à Lyon. C'est un isakaya : hybride entre pub, bar à tapas et brasserie. Nous avons rencontré le chef Gaby Didonna pour qu'il nous parle de cet ovni de la restauration lyonnaise.



Oto Oto est un restaurant japonais au concept très original. Pouvez-vous nous en parler ?

Oto Oto a été créé en 2010 au retour d’un voyage au Japon. J’y allais chaque année pour retrouver des amis dont plusieurs sont restaurateurs. C’est eux qui m’ont fait découvrir les isakayas, qui sont un hybride entre le pub anglais, le bar à tapas espagnol et la brasserie française. Au Japon, après le travail, les gens se retrouvent régulièrement dans ce genre de restaurant pour boire un verre et grignoter en même temps. C’est un concept très en vogue au Japon, certains sont même spécialisés dans la friture, les brochettes, la cuisine végétarienne…

Les invités commandent des plats / tapas à partager, qui arrivent au fur et à mesure suivant la cuisson de chaque produit. Ce n’est pas comme au restaurant où l’on a les entrées puis les plats. C’est une ambiance très différente, très décontractée.

On retrouve cet esprit dans les bars à tapas français ou espagnol, mais j’ai trouvé que le concept japonais manquait vraiment à Lyon.


Que trouve-t-on à la carte du restaurant ?
Nous avons beaucoup de tapas : des edamame qui sont des fèves immatures de soja d’origine japonaise, des beignets chauds ou froids, des raviolis, des okonomiyaki - spécialité d’Osaka… et du kimchi coréen. On me demande parfois pourquoi on a une spécialité coréenne à la carte d’un restaurant japonais. Il faut savoir qu’au Japon, le kimchi c’est un peu comme la pizza en France. Il y a une forte communauté coréenne au Japon, et c’est devenu un plat tellement populaire qu’on en trouve dans de très nombreux restaurants et isakayas.

À la rentrée scolaire 2014, on aimerait proposer des burgers japonais. Le Japon est très américanisé ; les japonais utilisent énormément de mots anglais dans leur vocabulaire, et bien sûr, les fast food se sont très bien importés. Une grande franchise, Mos Burger, propose des burgers à base de pain, mais déclinés avec des saveurs et préparations nippones à l’intérieur. Nous, nous aimerions proposer un ou deux burgers, sans frites et sans pain. À la place, ce sera des galettes de riz passées sous la salamandre pour les faire légèrement colorer. Et puis on proposera des recettes de poulet teriyaki ou un tonkatsu qui est un plat à base de porc pané, par exemple.

Dans la nouvelle carte, on voudrait aussi proposer quelques plats au curry japonais. Parce que le curry, ce n’est pas que la Thaïlande ou l’Inde. Au Japon, il y a des restaurants à curry, et j’aimerais vraiment faire découvrir ces spécialités.


Un isakaya, c'est un hybride entre le pub anglais, le bar à tapas espagnol et la brasserie française.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cet esprit ?

La convivialité de ces endroits et le cachet qu’ils ont en vieillissant. Les isakayas ont un côté très populaire : ce ne sont pas des restaurants de luxe. Et c’est ce que je voulais retrouver chez Oto Oto. Il faut que le restaurant vive avec ses clients. Le bois est marqué par le temps et le passage des clients, les chaises sont de styles différents, les posters jaunissent… Comme dans un bouchon lyonnais, il ne faut pas que la décoration soit trop lisse, trop neuve. Ce sont les marques du temps qui vont lui donner du caractère et une âme. Au Japon, c’est exactement ça. Ce n’est pas un endroit guindé : les gens doivent vraiment se sentir à l’aise en venant.


La décoration est-elle inspirée d’isakayas japonais ?

J’ai pris de nombreuses photos des isakayas japonais afin de reproduire l’ambiance ici, à Lyon. Je voulais un grand mur de toro baco, qui sont des caisses dans lesquelles on transportait autrefois le poisson. À l’époque, elles étaient trempées dans du vinaigre pour faire fuir la vermine. Malheureusement, c’est très compliqué à importer, donc j’ai fait appel à un ami menuisier, Xavier Vigne, qui les a reproduit d’après des photos.

Et puis, il y a les grottes, qui sont un clin d’oeil à la ville de Kamakura située entre Tokyo et Fukushima. C’est une ville très connue pour ses grottes qui sont très célèbres au Japon. J’ai vu un restaurant japonais qui avait installé ce genre de grottes dans sa salle, et j’ai tout de suite aimé l’espace plus intime et très convivial qui est créé à l’intérieur. Comme un petit cocon.


Pouvez-vous nous parler des produits avec lesquels vous travaillez ?

Nous travaillons à base de produits frais. Dans les beignets, on a donc plutôt opté pour du poulet, du porc ou des crevettes, plutôt que du saumon ou de la Saint Jacques, afin d’être moins chers. Et puis nous souhaitons rester dans l’esprit isakaya, populaire, et ne pas aller vers des plats plus « luxueux ». Les entrées très raffinées avec un dressage très pointu à l’assiette, on les laisse pour Imouto, où là, ils ont parfaitement leur place puisque c’est un restaurant gastronomique.

Et puis nous importons des produits du Japon, comme la bière ou les épices. Depuis l’accident de Fukushima, il y a un embargo sur de nombreux produits à base de thé vert. Désormais, les algues viennent de Corée par exemple.


Quel plat faut-il absolument goûter lors d’une première fois chez Oto Oto ?

Les karaage, des beignets de poulet, très caractéristiques de la cuisine d’isakaya.


Oto Oto
15 rue d'Aguesseau
69007 Lyon



Article rédigé par Stéphanie Bourlion