Il aime se définir comme un « aubergiste du 21ème siècle »…
Takao Takano, prochain grand nom de la gastronomie lyonnaise ?
Le discret Takao Takano a obtenu sa première étoile pour son restaurant éponyme en 2015. Pourtant le jeune chef n’en est pas à son premier coup d’essai. Il a fait ses classes chez Nicolas Le Bec, son mentor, dont il deviendra le second puis le chef exécutif. Après 8 ans aux cotés du chef deux étoiles, il vole de ses propres ailes et s’installe seul, rue Malesherbes, dans le sixième arrondissement de Lyon. Rencontre avec un homme au parcours peu commun et passionnant, qui tend à s’imposer comme le prochain grand nom de la gastronomie lyonnaise.
Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?
A 23 ans, j’ai arrêté mes études de droit au Japon car je n’avais pas obtenu le concours pour être avocat. Trouver ma voie n’a pas été facile. Depuis longtemps, je prenais plaisir à cuisiner pour ma famille et mes amis. J’aime manger, boire, toute l’ambiance de table, donc un jour j’ai décidé de me lancer. Comme je n’avais pas fait d’école je me suis présenté auprès des restaurateurs directement.
Je voulais apprendre la cuisine française en premier car c’est celle qui me paraîssait la plus complète. En 1999, j’ai alors rejoint une restaurant français à Tokyo. J’ai commencé par travailler en salle, c’est là que mon goût pour le vin s’est développé. Pour devenir cuisinier au Japon, il faut d’abord commencer par étudier le service.
En 2002 je suis venu en France, c’était quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. J’ai frapper à la porte de chez Nicolas Le Bec car il avait été élu meilleur chef de l’année par le Gault et Millau. Ce fût le début de ma carrière et d’une belle collaboration qui a duré 8 ans.
Comment s’est passée votre rencontre avec Nicolas Le Bec ?
J’ai tout de suite été manger chez lui. A l’époque il travaillait à la Cour des Loges, en fin de repas j’ai demandé s’il était possible de rencontrer le chef. Il était à la cave, j’ai donc suivi le sommelier. Je me souviendrai toujours de ce moment, c’était au mois de décembre et il faisait très froid (rires). Je ne parlais pas français, j’avais seulement appris une phrase : “j’ai envie de travailler !”. Je lui ai simplement dit cela et il m’a dit oui. C’est quelqu’un de très ouvert qui aime les gens motivés. Il aime le contact humain, le C.V. il s’en moque.
Qu’avez-vous appris à son contact ?
Techniquement, je me débrouillais déjà bien. Ce qu’il m’a transmis, c’est l’importance d’aller à l’essentiel et d’oublier un peu la technique. La connaissance du produit est primordiale, il faut savoir comment le sublimer, sans l’agresser ou l’écraser avec des choses trop compliquées. La technique revient après avec l’assaisonnement et la cuisson. La simplicité est la clé. Selon moi un bon plat se compose d’un produit principal, d’une bonne sauce et basta ! (rires)
Lui avez-vous apporté de nouvelles perspectives grâce à vos racines japonaises ?
Pas vraiment, je n’ai pas appris le cuisine japonaise mais bien la cuisine française. De surcroix, M. Le Bec connaissait déjà bien la cuisine japonaise.
Notre démarche était simple : on ne fixait pas de frontières. Nous utilisions les produits et les techniques du monde entier. Nous recherchions le meilleur dans chaque culture, la nationalité ne comptait pas.
Certains parlent de cuisine fusion mais cela n’a pas de sens. Selon moi il existe deux types de cuisines : la bonne et la mauvaise. Il ne faut pas se mettre de barrières et aller à l’essentiel, c’est à dire le goût.
Reprennez-vous cette démarche dans votre restaurant ?
Bien sûr, j’aime les voyages, ils m’inspirent. Quand je suis à l’étranger je m’intéresse toujours à la cuisine familiale. Le modèle est là, on trouve de la cuisine sophistiquée partout, mais la base ce sont les tables de familles.
Évidemment, de par mes origines, je commande facilement des marchandises au Japon. Là-bas, on retrouve cet amour du produit qui existe en France. Chaque aliment est conditionné avec soin dans de petites boîtes, comme un bijoux dans un écrin.
La pâtisserie est une spécialité française, était-ce plus difficile à apprendre que la cuisine ?
Non, c’est une discipline que j’aime beaucoup. Au restaurant, je réalise des desserts de cuisinier en utilisant les techniques de base. Pour la fin de repas, j’affectionne les fruits de saison. Je met une touche de gourmandise avec des produits occidentaux comme le chocolat, le caramel ou des fruits à coques, mais le fruit est l’élément principal.
Avez-vous un ingrédient fétiche ?
Oui (rires) ! J’ai toujours de la langoustine, même s’il faut être en accord avec les saisons, j’essaie toujours de trouver de belles langoustines.
Ce qui me plaît, c’est son goût fin et délicat. Il ne faut pas trop la cuire ou l’assaisonner, c’est un produit exceptionnel qui demande beaucoup d’attention et un travail soigné.
Avez-vous été surpris de recevoir votre première étoile ?
Je ne cherchais pas vraiment à obtenir une étoile, mais je savais, d’après mes expériences chez M. Le Bec, que mon savoir faire pouvait me permettre d’obtenir une étoile. Ce fût donc assez naturel.
M. Le Bec m’avait confié son ancien restaurant et m’avait donné carte blanche. Cette expérience m’a enrichi et m’a permis de bien comprendre tout ce qu’entraînait la gestion d’un restaurant. Ce fût une grande chance car le moment venu d’ouvrir mon propre restaurant, je savais à quoi m’attendre.
Rêvez-vous d’avoir, un jour, un grand restaurant ?
Cela fait 2 ans et demi que je me suis installé dans le 6ème, et pour l’instant je me sens très bien. Je n’ai pas envie d’un espace trop grand, 25/30 couverts c’est le maximum que je puisse faire car nous ne sommes que deux en cuisine.
Je travaille volontairement de cette façon car pour créer une vraie identité de base, il ne faut pas être trop nombreux. Cependant la transmission est très importante pour moi, cela apporte plus de plaisir et d’efficacité en cuisine. C’est pour cela que je prendrais un apprenti à la rentrée.
Malgré la distance, êtes-vous toujours en contact avec Nicolas Le Bec ?
Oui, on s’envoie des mails régulièrement. On se dit qu’un jour on trouvera un moyen pour retravailler ensemble. Pour moi, c’est un membre de ma famille, un frère. C’est mon mentor culinaire, bien sûr, mais je me sens très proche de lui.
Avez-vous un plat préféré ?
C’est un plat français. J’aime particulièrement les plats de gibier où toutes les parties sont utilisées (abats, carcasse..). En hiver, le plat phare du restaurant est un pigeonneau cuit entier avec une sauce à la royale, liée au sang, aux abats et relevée avec du cognac et du porto.
Quelle est votre table favorite ?
J’adore aller chez Emmanuel Renaut, dans son restaurant Flocons de Sel à Megève.
Auriez-vous un restaurant à conseiller aux lyonnais ?
“En Mets Fais ce Qu’il te Plait”, dans le 7ème arrondissement. Il est tenu par le chef japonais Katsumi Ishida. C’est un pionnier à Lyon, il a une très grande connaissance des produits, je lui demande même des conseils techniques !
Découvrir le restaurant Takao Takano
Propos recueillis par Morgane Landré pour Lyonresto
Takao Takano
33 rue Malesherbes, Lyon 6ème
04 82 31 43 39
Midi et soir du mardi au samedi